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Reprise d’un logement en cas d’abandon

Reprise d’un logement en cas d’abandon : procédure judiciaire et enjeux pour les propriétaires

La reprise des lieux par huissier en cas d’abandon de logement par un locataire est une procédure strictement encadrée par la loi.

Elle répond à une problématique récurrente : comment permettre au propriétaire de récupérer rapidement son bien sans violer le droit au respect du domicile, tout en protégeant les droits du locataire ?

En pratique, de nombreux propriétaires se retrouvent confrontés à des situations délicates : un locataire cesse de payer ses loyers, ne répond plus aux relances, puis disparaît sans prévenir, laissant derrière lui un logement vide ou encombré de biens personnels. L’incertitude est alors totale : le logement est-il véritablement abandonné ou simplement inoccupé temporairement ? L’absence prolongée constitue-t-elle une renonciation au bail ou une simple défaillance momentanée ?

La loi, et en particulier l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, apporte un cadre précis. Elle confie à l’huissier de justice un rôle central : constater l’abandon, dresser un inventaire des éventuels biens laissés sur place, et saisir le juge compétent pour faire constater la résiliation du bail. Cette procédure a pour objectif de sécuriser à la fois le propriétaire – qui peut récupérer son logement légalement – et le locataire, dont les droits et les biens doivent être respectés.

Ce mécanisme répond à plusieurs enjeux concrets :

  • Un enjeu économique, puisque chaque mois de vacance locative lié à un abandon entraîne une perte financière pour le propriétaire.
  • Un enjeu juridique, car une reprise “sauvage” sans décision judiciaire peut exposer le bailleur à de lourdes sanctions, notamment pour violation de domicile.
  • Un enjeu social, enfin, car certaines situations d’abandon révèlent une précarité ou une fragilité du locataire (surendettement, hospitalisation, incarcération), ce qui impose une approche équilibrée.

Dans ce contexte, il est essentiel que les propriétaires, qu’ils soient bailleurs particuliers ou institutionnels, connaissent les règles applicables et les étapes incontournables de cette procédure.

Cet article a pour objectif de détailler, de manière claire et opérationnelle :

  • La procédure judiciaire à suivre, depuis le constat d’huissier jusqu’à l’ordonnance de résiliation du bail ;
  • Le rôle clé de l’huissier de justice, véritable pivot de la procédure ;

Les précautions à prendre, pour garantir une reprise légale des lieux, éviter tout risque de contestation et sécuriser la gestion locative.

 

Sommaire :

 

I. Définition et indices de l’abandon du logement

1. Définition juridique de l’abandon

L’abandon d’un logement se caractérise par le départ volontaire, unilatéral et définitif du locataire, sans respecter les règles légales de résiliation du bail (préavis, remise des clés, état des lieux de sortie). Contrairement à une résiliation en bonne et due forme, l’abandon place le propriétaire dans une situation de flou juridique : le bail existe toujours, mais le logement n’est plus occupé.

La loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs, complétée par l’article 14-1 introduit en 2011, a précisément encadré ce cas de figure. Elle permet au propriétaire, par l’intermédiaire d’un huissier de justice, de constater la situation et de solliciter la résiliation judiciaire du bail, afin d’éviter les reprises sauvages.

2. Les indices matériels d’un abandon

Plusieurs signes permettent de suspecter un abandon, même si aucun ne constitue à lui seul une preuve irréfutable :

  • Absence prolongée du locataire : absence de toute nouvelle pendant plusieurs semaines ou mois.
  • Non-paiement des loyers et charges : loyer impayé depuis plusieurs échéances, sans explication ou demande de délai.
  • Logement vide : absence de meubles, coupures d’électricité, de gaz ou d’eau, parfois demandées par le locataire lui-même.
  • Aspect extérieur du logement : volets fermés en permanence, boîte aux lettres débordant de courriers ou de plis non retirés.
  • Témoignages concordants des voisins : information selon laquelle le locataire aurait déménagé précipitamment ou quitté les lieux sans intention de revenir.

3. Limites des indices et risques de confusion

Ces indices, aussi évocateurs soient-ils, ne suffisent pas à établir juridiquement l’abandon. Plusieurs situations peuvent en effet prêter à confusion :

  • Un locataire en déplacement prolongé (voyage à l’étranger, hospitalisation longue durée).
  • Une absence liée à une situation personnelle délicate (incarcération, placement en établissement).
  • Des loyers impayés qui traduisent un défaut de paiement et non un départ volontaire.

Ainsi, un logement apparemment inoccupé peut encore relever du droit au respect du domicile, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Une reprise unilatérale exposerait le propriétaire à des sanctions civiles et pénales pour violation de domicile.

4. La nécessité d’une procédure encadrée

Pour éviter tout risque d’abus ou de contestation, seul un constat d’huissier suivi d’une procédure judiciaire simplifiée permet de qualifier l’abandon.

  • L’huissier est chargé de vérifier la réalité de la situation, en dressant un procès-verbal détaillé (absence de meubles, fluides coupés, courriers accumulés).
  • Le juge d’instance, saisi par requête, statue ensuite sur la résiliation du bail et la reprise des lieux.

Cette garantie évite au bailleur de se placer dans l’illégalité et protège le locataire contre des expulsions arbitraires.

 

II. Rôle de l’huissier de justice dans le constat

1. Une étape préalable et obligatoire

Avant toute action en justice, le propriétaire doit impérativement faire appel à un huissier de justice (désormais appelé commissaire de justice depuis la réforme de 2022). Ce professionnel est le seul habilité à constater juridiquement l’abandon du logement par le locataire.

  • Sans ce constat, aucune procédure de reprise ne peut être valablement engagée.
  • Toute reprise “sauvage” du logement par le bailleur, même si les indices d’abandon sont manifestes, expose ce dernier à des sanctions lourdes.

2. Le procès-verbal de constat : un document pivot

L’huissier procède à une visite des lieux (avec parfois l’assistance d’un serrurier et, le cas échéant, d’un représentant de la force publique) et dresse un procès-verbal détaillé.
Ce document joue un rôle essentiel à trois niveaux :

  • Preuve de l’abandon devant le juge : il constitue l’élément central qui permettra au tribunal de prononcer la résiliation du bail.
  • Description précise de l’état des lieux : inventaire des biens laissés sur place (mobilier, objets personnels, équipements), constatation des éventuelles dégradations ou délabrements.
  • Sécurisation juridique : en cas de contestation ultérieure par le locataire, le constat protège le propriétaire contre toute accusation de reprise illégale ou de destruction de biens.

3. Les éléments relevés par l’huissier

Dans son procès-verbal, l’huissier mentionne généralement :

  • l’absence du locataire lors de la visite,
  • l’état d’occupation du logement (vide, meublé, partiellement occupé),
  • la présence éventuelle de courriers, d’effets personnels ou de signes de départ définitif,
  • les relevés des compteurs d’électricité, d’eau ou de gaz,
  • tout élément de nature à caractériser une inoccupation durable.

Ce travail minutieux permet d’éviter les interprétations subjectives et de fournir au juge un constat objectif. 

4. Sanctions en cas d’absence de constat

Si le propriétaire reprend les lieux sans passer par cette étape, il s’expose à des poursuites pour violation de domicile (article 226-4 du Code pénal), délit puni de :

  • 1 an d’emprisonnement et
  • 15 000 € d’amende.

De plus, il engage sa responsabilité civile en cas de disparition ou de détérioration de biens laissés par le locataire. La jurisprudence est constante : même si le logement semble abandonné, la protection du domicile subsiste tant qu’une décision judiciaire n’a pas autorisé la reprise.

5. Importance pratique pour le bailleur

Le recours à un huissier, bien qu’occasionnant un coût (environ 250 à 400 € selon la complexité), constitue donc une assurance juridique.
Il permet au propriétaire de sécuriser la procédure et d’éviter un contentieux coûteux et risqué. En pratique, c’est une étape incontournable qui marque le passage du doute (indices d’abandon) à la certitude légale (constat officiel).

 

III. Procédure judiciaire d’expulsion en cas d’abandon

1. La saisine obligatoire du juge

Même lorsque l’abandon du logement paraît évident, le propriétaire ne peut pas reprendre les lieux de sa propre initiative. Seule une décision judiciaire peut mettre fin au bail et autoriser la reprise.

La procédure se déroule devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble (anciennement tribunal d’instance).

  • La demande est présentée par requête (procédure simplifiée, sans audience contradictoire immédiate).
  • Le juge statue sur pièces, à partir du dossier transmis par le bailleur.
  • Si le juge estime les éléments suffisants, il rend une ordonnance constatant la résiliation du bail et autorisant la reprise des lieux.

2. Les pièces à fournir au tribunal

Pour que sa demande soit recevable, le propriétaire doit joindre un dossier solide comprenant :

  • Le procès-verbal de constat d’huissier, élément central et incontournable, qui atteste de l’abandon du logement et décrit l’état des lieux.
  • Les preuves des loyers impayés, telles que :
    • relevés bancaires montrant l’absence de paiement,
    • commandements de payer délivrés antérieurement par huissier,
    • lettres de relance ou mises en demeure restées sans réponse.

Tout élément complémentaire démontrant l’abandon, par exemple : 

  • courriers non réclamés dans la boîte aux lettres,
  • témoignages des voisins ou du syndic,
  • résiliation des abonnements (eau, gaz, électricité),
  • absence prolongée constatée par des tiers.

L’ensemble de ces pièces permet au juge d’apprécier objectivement la réalité de l’abandon et d’éviter toute décision hâtive.

3. Les enjeux pour le bailleur

  • Sans saisine du juge, le bail reste juridiquement en vigueur, même si le logement est vide. Le bailleur continue alors à courir le risque d’être accusé de violation de domicile s’il reprend les lieux sans autorisation.
  • Avec une ordonnance judiciaire, le propriétaire est protégé et peut engager sereinement la reprise du bien, voire entamer des procédures parallèles de recouvrement des loyers.
  • Le juge a la faculté de prévoir également des mesures accessoires, comme l’autorisation de faire enlever les biens laissés dans les lieux ou d’en dresser inventaire.

4. Exemple pratique

Un bailleur parisien découvre que son locataire n’a pas payé ses loyers depuis 4 mois et que l’appartement est vide, avec la boîte aux lettres pleine de courriers.

  • Après constat d’huissier, il saisit le tribunal judiciaire.
  • Le dossier comprend le procès-verbal, les relevés bancaires et une attestation de voisin.
  • Le juge, au vu de ces éléments concordants, rend une ordonnance de résiliation du bail et autorise la reprise des lieux sous contrôle de l’huissier.

5. Délais et étapes

La procédure de reprise d’un logement pour abandon n’est pas instantanée : elle suit un enchaînement d’étapes obligatoires, chacune marquée par des délais variables selon les juridiction.

a) Délai d’instruction

  • Une fois la requête déposée avec l’ensemble des pièces justificatives, le tribunal judiciaire met généralement 1 à 3 mois pour statuer.
  • Ce délai dépend :
    • de la charge de travail du tribunal,
    • de la clarté du dossier fourni (un dossier complet et bien documenté permet un traitement plus rapide),
    • et, parfois, des congés judiciaires (période estivale notamment).
  • Ce temps d’attente peut sembler long pour le bailleur, mais il est indispensable pour garantir une décision juridiquement incontestable.

b) Ordonnance du juge

  • Si les éléments apportés par le propriétaire sont jugés suffisants et concordants, le juge rend une ordonnance constatant la résiliation du bail et autorisant la reprise des lieux.
  • L’ordonnance est exécutoire de plein droit : le bailleur peut immédiatement mandater un huissier pour sa mise en œuvre.
  • Dans certains cas, le juge peut assortir sa décision de mesures complémentaires, comme la désignation d’un huissier pour inventorier et conserver les biens laissés sur place.

c) Intervention de l’huissier

  • Après l’obtention de l’ordonnance, l’huissier revient sur les lieux pour procéder à la reprise effective du logement.
  • Concrètement, cela implique :
    • l’ouverture du logement (souvent en présence d’un serrurier),
    • l’expulsion formelle du locataire (même absent),
    • l’établissement d’un procès-verbal de reprise,
    • et la remise des clés au propriétaire.
  • Si des biens sont retrouvés, l’huissier dresse un inventaire et organise leur stockage ou leur vente, conformément aux instructions judiciaires.

d) Cas particulier : réapparition du locataire

Il arrive qu’un locataire, donné pour parti, réapparaisse après la décision du juge (ex. : retour de l’étranger, sortie d’hospitalisation, incarcération terminée).

  • Dans ce cas, le bail étant déjà résilié, le locataire ne peut pas réintégrer de plein droit le logement.
  • Il peut toutefois contester la décision en engageant une nouvelle procédure judiciaire (recours en opposition ou en appel, selon les cas).
  • Le bailleur doit alors être prêt à justifier à nouveau la légalité de la procédure suivie.

6. Importance pratique pour le bailleur

  • La procédure, bien que relativement rapide (quelques mois), nécessite une préparation minutieuse et un suivi rigoureux.
  • Le rôle de l’huissier est central : constat initial, saisine du juge et reprise finale.
  • Le bailleur doit garder à l’esprit que, sans respect scrupuleux des étapes, la reprise peut être invalidée et engager sa responsabilité.

 

IV. Conséquences pour le bailleur : récupération des biens et loyers impayés

1. Récupération des biens laissés

Lorsqu’un logement est abandonné, il n’est pas rare que le locataire ait laissé derrière lui des effets personnels, du mobilier ou divers objets. Le propriétaire ne peut pas en disposer librement : il doit respecter un cadre légal précis pour éviter toute accusation de spoliation ou de destruction abusive.

a) Conservation des biens pendant un délai raisonnable

  • Après la reprise des lieux, le propriétaire doit en principe conserver les biens pendant un certain temps afin de permettre au locataire de les récupérer.
  • Ce délai est généralement fixé entre 1 et 2 mois, période durant laquelle le propriétaire ou l’huissier informe le locataire (ou ses ayants droit) de la possibilité de récupérer ses affaires.
  • Cette conservation peut se faire sur place (si le logement est encore sécurisé) ou dans un lieu de stockage externe choisi par l’huissier.
  • En pratique, les frais de garde et de déménagement peuvent être imputés au locataire, mais leur recouvrement demeure souvent difficile.

b) Vente des biens de valeur

  • Lorsque les objets laissés ont une valeur marchande significative (mobilier en bon état, électroménager, matériel électronique, voire véhicule), le propriétaire peut envisager une vente judiciaire.
  • Cette vente suppose l’envoi préalable d’une mise en demeure au locataire, restée infructueuse.
  • La vente se fait alors dans le cadre légal prévu par l’article 2284 du Code civil, qui impose que les biens du débiteur puissent servir de gage commun à ses créanciers.
  • Le produit de la vente est en priorité affecté au paiement des dettes locatives (loyers impayés, charges, frais de procédure). L’éventuel surplus doit être consigné pour le locataire.

c) Élimination des biens sans valeur

  • Si les biens laissés sont manifestement sans valeur (vêtements usagés, déchets, objets détériorés ou insalubres), le propriétaire est autorisé à les jeter.
  • Toutefois, afin de prévenir toute contestation, il est fortement recommandé de :
    • les photographier ou filmer avant destruction,
    • et de dresser, idéalement avec l’huissier, un inventaire succinct précisant l’état des objets.
  • Cette précaution permet de démontrer, en cas de litige, que rien de valeur n’a été détruit arbitrairement.

d) Responsabilité du bailleur

Le non-respect de ces règles expose le propriétaire à des poursuites pour atteinte au droit de propriété du locataire. Même absent, celui-ci conserve en effet des droits sur ses biens personnels.

  • Une reprise trop rapide ou une destruction non justifiée pourrait engager la responsabilité civile du bailleur, avec obligation d’indemnisation.
  • En cas de mauvaise foi manifeste, une responsabilité pénale (vol ou destruction volontaire) pourrait même être envisagée.

 

2. Recouvrement des loyers impayés

Même après la reprise des lieux, le propriétaire conserve le droit de réclamer au locataire les loyers, charges et indemnités dus au titre du bail. La résiliation du contrat n’efface pas les dettes déjà constituées.

a) Action en recouvrement

  • Le bailleur peut saisir le tribunal judiciaire pour obtenir la condamnation du locataire au paiement des sommes dues.
  • La procédure la plus courante est l’injonction de payer, rapide et adaptée lorsque la dette est justifiée par des pièces écrites (contrat de bail, décompte des loyers, mises en demeure).
  • Le juge rend une ordonnance d’injonction, qui devient exécutoire après signification par huissier si le locataire ne forme pas opposition.

b) Prescription

Conformément à l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur dispose d’un délai de trois ans pour agir en recouvrement à compter de l’exigibilité des loyers ou charges. Passé ce délai, l’action est prescrite et les sommes ne peuvent plus être réclamées.

c) Moyens d’exécution forcée

Une fois un titre exécutoire obtenu, le propriétaire peut recourir à l’huissier pour engager des mesures de saisie :

  • Saisie sur salaire (si le locataire a retrouvé un emploi) ;
  • Saisie bancaire (blocage et ponction des comptes) ;
  • Saisie mobilière (sur les biens récupérés lors de la reprise, si ceux-ci ont une valeur marchande).

En pratique, ces procédures rencontrent souvent des limites lorsque le locataire est insolvable, mais elles permettent au moins de sécuriser la créance en cas d’amélioration future de sa situation.

V. Risques en cas de reprise illégale du logement

1. La violation de domicile : une infraction pénale

Reprendre un logement sans passer par la procédure légale (constat d’huissier et décision judiciaire) expose le propriétaire à des sanctions sévères.

  • L’article 226-4 du Code pénal sanctionne la violation de domicile d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
  • Cette infraction peut être constituée même si le logement semble abandonné : tant que le bail n’est pas résilié par un juge, il reste le domicile protégé du locataire.

2. Responsabilité civile et dommages-intérêts

En plus des sanctions pénales, le propriétaire peut être condamné à indemniser son locataire pour les préjudices subis :

  • Préjudice matériel : remboursement des biens détruits ou disparus, prise en charge des frais de déménagement.
  • Préjudice moral : réparation du trouble et de l’atteinte au droit au respect de la vie privée.
  • Préjudice locatif : paiement de frais de relogement si le locataire démontre qu’il a dû se loger en urgence.

3. Annulation de la reprise

Un juge peut également annuler la reprise et ordonner la restitution des lieux au locataire, même si ce dernier avait cessé d’occuper le logement depuis plusieurs mois. Cette sanction vise à rappeler le caractère impératif de la procédure judiciaire.

4. Exemple pratique

Un propriétaire change les serrures d’un appartement après plusieurs mois d’impayés, pensant que le locataire est parti. Quelques semaines plus tard, celui-ci réapparaît et saisit le tribunal.

  • Résultat : le bailleur est condamné pour violation de domicile, doit réintégrer le locataire et lui verser des dommages et intérêts couvrant les frais de relogement et le préjudice moral.

 

En résumé :
La tentation de “reprendre son bien rapidement” peut coûter extrêmement cher au bailleur. Respecter la procédure légale, même si elle prend quelques mois, reste la seule solution sécurisée.

 

Conclusion

La reprise d’un logement abandonné par un locataire est une procédure spécifique, qui combine à la fois des enjeux juridiques, financiers et humains. Contrairement à ce que certains propriétaires pensent encore, il ne s’agit pas d’une démarche simple consistant à “changer les serrures” ou à “reprendre possession” des lieux de manière unilatérale. Elle nécessite le respect scrupuleux d’un cadre légal précis, qui repose sur deux piliers : l’intervention de l’huissier de justice et l’autorisation judiciaire.

1. Les trois étapes incontournables

Pour éviter tout risque de contestation, le propriétaire doit suivre un cheminement clair et sécurisé :

  1. Faire constater l’abandon par huissier : ce procès-verbal constitue la preuve essentielle devant le juge et protège le bailleur en cas de litige ultérieur.
  2. Obtenir une autorisation judiciaire : seule une ordonnance du tribunal judiciaire peut constater la résiliation du bail et autoriser la reprise effective des lieux.
  3. Respecter les délais légaux : qu’il s’agisse de la conservation des biens laissés par le locataire, de la prescription pour recouvrer les loyers impayés (3 ans), ou des délais d’exécution fixés par le juge, la rigueur reste indispensable. 

2. Les risques d’une reprise précipitée

Toute reprise effectuée en dehors de ce cadre expose le propriétaire à :

  • des poursuites pénales pour violation de domicile (article 226-4 du Code pénal),
  • des sanctions civiles sous forme de dommages-intérêts,
  • et parfois même à l’annulation de la reprise, le juge ordonnant la restitution du logement au locataire.

Ces risques dépassent souvent les pertes liées aux loyers impayés, d’où l’importance de respecter la procédure en intégralité.

3. L’importance d’un accompagnement spécialisé

Compte tenu de la complexité croissante du droit locatif et du contrôle accru des juridictions, l’assistance d’un avocat spécialisé en droit immobilier constitue un véritable atout.

  • L’avocat aide le bailleur à constituer un dossier solide (preuves d’impayés, indices d’abandon, constat d’huissier).
  • Il assure le suivi de la procédure devant le juge et veille au respect des droits du propriétaire comme du locataire.
  • Il peut également anticiper les recours éventuels du locataire et conseiller sur les meilleures stratégies de recouvrement des loyers impayés.

 

En résumé :
La reprise d’un logement abandonné n’est pas une opération improvisée mais une procédure encadrée et sécurisée. Suivre chaque étape avec rigueur, s’appuyer sur le constat d’huissier et la décision du juge, et bénéficier de l’accompagnement d’un avocat spécialisé permettent de transformer une situation potentiellement conflictuelle en une reprise légale et définitive, tout en minimisant les risques financiers et contentieux.

 

FAQ : Vos questions sur la reprise des lieux

1. Comment prouver l’abandon d’un logement ?

La preuve de l’abandon ne peut pas reposer uniquement sur des indices matériels. Elle doit être constituée d’éléments concordants et objectifs, parmi lesquels :

  • Un constat d’huissier (ou commissaire de justice) décrivant l’état du logement et l’absence d’occupation ;
  • Des témoignages du voisinage, du gardien d’immeuble ou du syndic de copropriété, attestant du départ du locataire ;
  • Des courriers non réclamés ou avis de passage laissés sans suite dans la boîte aux lettres ;
  • L’absence de consommation d’eau, de gaz ou d’électricité, confirmée par les relevés de compteurs.

Ces preuves ne valent que si elles sont formalisées dans un dossier complet, présenté ensuite au juge.

2. Combien de temps dure la procédure d’expulsion en cas d’abandon ?

La durée varie selon la réactivité du tribunal et la complexité de la situation, mais il faut généralement compter entre 2 et 6 mois.

  • 2 à 3 mois si le dossier est clair (logement vide, locataire manifestement parti, aucun recours).
  • 4 à 6 mois si des biens de valeur ont été laissés, ou si le locataire conteste la procédure.
  • Des délais plus longs sont possibles en cas de recours ou opposition du locataire (appel, contestation de l’ordonnance).

Même si cette durée peut sembler longue, elle reste bien plus rapide qu’une procédure classique d’expulsion pour loyers impayés, qui peut durer 18 à 24 mois.

3. Que faire des biens laissés par le locataire ?

Le propriétaire doit gérer les biens avec prudence, en respectant les droits du locataire :

  • Stocker les biens pendant 1 à 2 mois, en informant le locataire par mise en demeure (adressée à sa dernière adresse connue ou publiée par voie d’huissier).
  • Vendre les biens si leur valeur est significative, après expertise et procédure d’information du locataire. Le produit de la vente servira au paiement des loyers impayés, l’excédent étant consigné à son profit.
  • Jeter les biens manifestement sans valeur (vêtements usagés, déchets, mobilier dégradé), à condition de les photographier et, si possible, de dresser un procès-verbal avant destruction.

4. Le propriétaire peut-il entrer seul dans le logement abandonné ?

Non. Même si le logement paraît vide, il est toujours considéré comme le domicile du locataire tant qu’un juge n’a pas constaté la résiliation du bail.

  • Entrer seul expose à des poursuites pour violation de domicile (article 226-4 du Code pénal).
  • La seule voie sécurisée est de passer par un huissier et le tribunal judiciaire.

5. Que faire si le locataire réapparaît après la reprise ?

Si le locataire revient après la décision de résiliation et la reprise des lieux :

  • Il ne peut pas réintégrer le logement, mais il peut saisir le juge pour contester la procédure.
  • Le bailleur doit alors prouver qu’il a respecté toutes les étapes légales (constat d’huissier, saisine du tribunal, respect des délais).
  • En cas de manquement, la reprise peut être annulée et le bailleur condamné à indemniser le locataire.

 

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