Introduction sur le droit au bail
Le bail commercial est un outil juridique essentiel dans la vie des entreprises, en particulier pour les commerçants, artisans et professions libérales.
Il encadre l’occupation d’un local dans lequel est exercée une activité professionnelle, souvent au cœur du développement et de la valorisation d’un fonds de commerce. L’un des mécanismes les plus protecteurs de ce régime est le droit au renouvellement du bail, qui permet au locataire de pérenniser son activité dans les lieux, sans craindre une éviction arbitraire.
Ce droit, d’origine légale, repose sur un équilibre entre les intérêts du bailleur, propriétaire du local, et ceux du locataire, exploitant économique. Il garantit une certaine stabilité au commerçant tout en offrant au propriétaire des marges de négociation et de valorisation de son bien. Toutefois, son application soulève de nombreuses questions juridiques, pratiques et contentieuses, que ce soit en matière de conditions de renouvellement, de fixation du loyer, de refus de renouvellement ou de procédure judiciaire.
Cet exposé a pour objectif de clarifier les mécanismes du renouvellement du bail commercial, d’en exposer les règles principales, les enjeux pour les parties, ainsi que les récents apports jurisprudentiels. Il s’adresse à tous ceux qui souhaitent comprendre les subtilités de ce régime protecteur, et mieux anticiper les démarches à suivre à l’approche de l’échéance d’un bail.
Sommaire :
- I. Le droit au renouvellement : un principe protecteur du locataire
- II. Le refus de renouvellement par le bailleur
- III. Procédure de renouvellement du bail commercial
- IV. La fixation du loyer lors du renouvellement
- V. Effets juridiques du renouvellement du bail
- VI. Contentieux liés au renouvellement du bail
- VII. L’accompagnement par un avocat spécialisé
I. Le droit au renouvellement : un principe protecteur du locataire
A. Un droit d’ordre public
Le droit au renouvellement est d’ordre public, ce qui signifie qu’aucune clause contractuelle ne peut y déroger au détriment du locataire. Ce principe vise à protéger la stabilité des exploitants commerciaux, en leur offrant la possibilité de poursuivre leur activité sans être exposés à un non-renouvellement arbitraire du bail.
B. Conditions d’éligibilité du locataire au renouvellement
Pour bénéficier du droit au renouvellement, le locataire doit :
- être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (ou au répertoire des métiers),
- avoir exploité effectivement le fonds de commerce dans les locaux loués pendant au moins trois ans,
- respecter ses obligations contractuelles (notamment le paiement régulier du loyer).
Ces conditions sont essentielles pour se voir reconnaître le droit à la reconduction du bail.
C. Modalités de la demande de renouvellement par le locataire
Le locataire peut formuler une demande de renouvellement dans les six mois précédant l’expiration du bail, par acte d’huissier. Il peut également répondre positivement à une offre de renouvellement formulée par le bailleur via un congé avec offre de renouvellement.
II. Le refus de renouvellement par le bailleur
A. Le refus avec indemnité d’éviction
Le bailleur peut refuser le renouvellement, mais il est alors en principe tenu de verser au locataire une indemnité d’éviction, correspondant au préjudice subi (valeur du fonds de commerce, frais de déménagement, perte de clientèle, etc.). Cette indemnité peut atteindre des montants significatifs.
B. Le refus sans indemnité :
Exceptionnellement, le bailleur peut refuser le renouvellement sans indemnité, notamment :
- en cas de faute grave du locataire (défaut de paiement du loyer, non-respect des clauses du bail),
- lorsque le bailleur souhaite reprendre les locaux pour habitation personnelle ou pour y réaliser certains travaux de reconstruction, sous conditions strictes.
III. Procédure de renouvellement du bail commercial
A. Calendrier à respecter
Le renouvellement du bail commercial ne s’improvise pas : il obéit à un calendrier strict, dont le non-respect peut avoir des conséquences juridiques importantes.
- Le bailleur qui souhaite donner congé au locataire doit notifier ce congé au moins six mois avant l’échéance du bail, en précisant s’il accepte ou refuse le renouvellement.
- De même, le locataire qui souhaite obtenir le renouvellement du bail doit en faire la demande dans le même délai, par voie d’acte extrajudiciaire.
Si aucune des parties ne se manifeste dans ce délai, le bail est reconduit tacitement. Toutefois, cette reconduction n’a pas pour effet de créer un nouveau bail : elle prolonge le bail existant dans les mêmes conditions, avec une certaine insécurité juridique pour les deux parties.
B. Notification par acte d’huissier
La notification d’un congé ou d’une demande de renouvellement doit impérativement se faire par acte d’huissier de justice, conformément à l’article L.145-9 du Code de commerce.
Cette exigence légale vise à :
- Sécuriser les échanges entre les parties,
- Établir une date certaine de réception,
- Éviter les contestations quant à la réalité ou la date de la notification.
Une notification envoyée par lettre recommandée ou par courriel ne produit aucun effet juridique et pourrait être déclarée nulle.
C. Silence du bailleur et renouvellement tacite
Lorsque le locataire formule une demande de renouvellement et que le bailleur ne répond pas dans un délai de trois mois, ce silence vaut acceptation tacite du renouvellement, sauf volonté contraire exprimée par le bailleur dans un autre délai raisonnable.
En l’absence de réponse ou d’acte de congé, le bail est tacitamente prolongé, et le locataire continue d’occuper les lieux aux conditions du bail initial.
Cependant, cette reconduction tacite ne garantit pas un nouveau bail de neuf ans, ce qui peut poser problème si le locataire souhaite sécuriser son activité à plus long terme.
IV. La fixation du loyer lors du renouvellement
A. Le principe du plafonnement légal
Lors du renouvellement, le loyer est soumis en principe au plafonnement prévu par l’article L.145-33 du Code de commerce. Cela signifie que l’augmentation du loyer est limitée à la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC), sauf exception.
Ce mécanisme vise à protéger le locataire contre des hausses démesurées, notamment dans les zones urbaines en forte tension immobilière.
B. Les exceptions entraînant le déplafonnement
Dans certains cas, le bailleur peut légalement dépasser le plafond et obtenir un loyer dit « déplafonné » :
- Modification notable des facteurs locaux de commercialité : Cela peut être l’ouverture d’un centre commercial, l’amélioration de l’accessibilité, ou encore l’évolution significative de la zone d’attractivité.
- Changement de destination ou d’activité dans les lieux loués, par exemple si un commerce de bouche devient une activité de restauration avec consommation sur place.
- Durée du bail supérieure à neuf ans (hors tacite reconduction), qui rompt le lien avec le loyer de référence et permet une revalorisation selon la valeur locative.
C. La règle du lissage de loyer instaurée par la loi Pinel
Pour atténuer l’impact du déplafonnement, la loi Pinel (2014) a introduit un mécanisme de lissage des augmentations de loyer.
La règle : en cas de déplafonnement, la hausse ne peut dépasser 10 % par an du loyer payé au cours de l’année précédente, et ce pendant 3 à 6 ans.
Ce lissage permet aux entreprises, notamment les TPE et PME, d’absorber progressivement l’augmentation, évitant ainsi une déstabilisation brutale de leur trésorerie.
V. Effets juridiques du renouvellement du bail
A. Nouveau bail : continuité ou renégociation ?
Le renouvellement donne naissance à un nouveau bail commercial, pour une durée minimale de neuf ans, sauf accord contraire (bail dérogatoire ou plus court dans des cas très encadrés).
En l’absence de renégociation, ce nouveau bail reconduit automatiquement les clauses du bail précédent, y compris celles portant sur :
- la durée,
- la destination des locaux,
- les obligations réciproques du bailleur et du preneur.
Il est cependant fortement recommandé de profiter de ce renouvellement pour renégocier certaines conditions devenues obsolètes ou défavorables (répartition des charges, état des lieux, travaux, etc.).
B. Maintien des garanties et clauses préexistantes
Sauf modification expresse, les garanties données dans le cadre du bail initial (caution bancaire, dépôt de garantie, clause de solidarité avec le cédant du fonds, etc.) sont automatiquement maintenues dans le bail renouvelé.
De même, les clauses spécifiques (clause résolutoire, clause d’indexation, clause de destination) continuent de s’appliquer, ce qui peut avoir des conséquences pratiques et juridiques importantes.
C. Possibilités de contestation du loyer ou des conditions
En cas de désaccord sur le loyer du bail renouvelé ou sur les conditions contractuelles, chacune des parties peut saisir le juge des loyers commerciaux.
Cette saisine doit être faite dans un délai strict de deux ans à compter du refus de renouvellement ou du congé, à défaut de quoi l’action est prescrite.
Le juge peut alors :
- Fixer le nouveau loyer sur la base de la valeur locative,
- Déterminer si un déplafonnement est justifié,
- Trancher toute contestation relative à une clause litigieuse du bail.
VI. Contentieux liés au renouvellement du bail
A. Contestation du motif de refus
Lorsqu’un bailleur refuse de renouveler le bail, il doit, sauf motif grave et légitime, verser une indemnité d’éviction. Le preneur peut contester le motif invoqué s’il estime qu’il n’est pas fondé, par exemple si le bailleur invoque un motif fallacieux ou non prouvé, comme une reconstruction du local sans projet concret. Ce type de contentieux vise à faire reconnaître le droit du preneur au renouvellement ou à obtenir une indemnité.
B. Litiges sur le montant du loyer ou l’indemnité
Même en cas d’acceptation du renouvellement, les parties peuvent ne pas s’accorder sur le nouveau montant du loyer. Si le bail est renouvelé à des conditions différentes de celles initiales, notamment un loyer réévalué, le preneur peut contester l’augmentation s’il la juge excessive. De même, si le bail est refusé, un litige peut naître autour de l’évaluation de l’indemnité d’éviction.
C. Recours devant le juge des loyers commerciaux
En cas de désaccord persistant, les parties peuvent saisir le juge des loyers commerciaux. Celui-ci a compétence pour statuer sur la validité du refus de renouvellement, fixer le montant du nouveau loyer ou évaluer l’indemnité d’éviction. La procédure peut s’avérer longue et technique, d’où l’importance d’être bien conseillé et représenté.
VII. L’accompagnement par un avocat spécialisé
A. Sécuriser les démarches du bailleur ou du preneur
Un avocat s’assure que toutes les formalités prévues par la loi sont correctement accomplies : délivrance des congés, respect des délais, rédaction des actes… Il évite ainsi les erreurs de procédure qui peuvent entraîner la nullité d’une demande ou la perte d’un droit.
B. Négocier efficacement les conditions de renouvellement
Lorsqu’un renouvellement est envisagé, l’avocat peut intervenir comme intermédiaire pour défendre les intérêts de son client. Il peut négocier le montant du loyer, la durée du nouveau bail ou certaines clauses contractuelles sensibles. Son expertise permet d’aboutir à un accord équilibré, tout en anticipant d’éventuelles difficultés futures.
C. Se défendre ou agir en justice en cas de litige
En cas de contentieux, l’avocat joue un rôle central : il évalue les chances de succès, rassemble les pièces nécessaires et construit une argumentation solide. Que ce soit pour contester un refus, réclamer une indemnité ou défendre une augmentation de loyer, son rôle est déterminant dans l’issue du litige.


